25 novembre 2022

IS : possible option pour le report en arrière des déficits dans le délai de la réclamation contentieuse

Me Grégory D'Angela

Une société soumise à l’impôt sur les sociétés peut-elle, dans le délai de la réclamation contentieuse, opter pour le report en arrière d’un déficit sur le bénéfice rectifié d’un exercice antérieur ?

Cette même société peut-elle, dans le délai de la réclamation contentieuse, demander la correction de l’erreur qu’elle a commise dans le calcul du montant du déficit ?

Dans une décision « Fiorim » rendue il y a huit jours (CE 16 novembre 2022 Fiorim, req. n° 462305, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a répondu positivement à la première question. Ce faisant, il a confirmé que sa jurisprudence « Vérimédia » du 19 décembre 2007 était toujours applicable malgré la nouvelle rédaction de l’article 220 quinquies du code général des impôts (CGI), issue de la loi de finances rectificative pour 2011. En revanche, la Haute juridiction administrative a répondu par la négative à la seconde question, au motif que seule une erreur commise dans le calcul d’un déficit par l’administration fiscale – et non par le contribuable – peut faire l’objet d’une réclamation contentieuse.

 

Les faits à l’origine du litige fiscal

La SARL Fiorim, société requérante, détient 99 % des parts de la SCI Les Terrasses du Prieuré, soumise au régime fiscal des sociétés de personnes.

A la suite de la vérification de comptabilité de la SCI Les Terrasses du Prieuré, l’administration fiscale a remise en cause la déduction par cette société d’une provision de 700 000 € opérée au titre de l’exercice clos en 2012 au motif que sa déclaration de résultats a été déposée tardivement. En application du régime fiscal des sociétés de personnes, l’administration a, en conséquence, rehaussé le résultat déclaré au titre de l’exercice clos en 2012 par la société Fiorim de 693 000 € (soit 700 000 € x 99 %) ; ce qui a entraîné le passage d’un résultat déficitaire à un résultat bénéficiaire. Le complément d’impôt sur les sociétés en résultant a été mis en recouvrement le 16 décembre 2016.

A la suite de cette rectification fiscale, la SCI Les Terrasses du Prieuré et la société Fiorim ont déposé en 2018 une déclaration rectificative demandant la déduction de la provision en litige des résultats déjà déficitaires de l’exercice clos en 2013. Par ailleurs, la société Fiorim a demandé le report en arrière du déficit constaté par cette déclaration rectificative pour l’exercice 2013 sur son bénéfice rectifié de l’exercice 2012.

L’administration fiscale a rejeté cette demande assimilée à une réclamation contentieuse. Elle a refusé à la fois la déduction de la provision en litige au titre de l’exercice 2013 et le report en arrière du déficit de l’exercice 2013 sur le bénéfice rectifié de l’exercice 2012. C’est l’objet du contentieux.

 

Sur le délai d’option pour le report en arrière des déficits

L’article 220 quinquies du CGI dispose, dans sa rédaction issue de l’article 2 de la loi n° 2011-1117 du 19 septembre 2011 de finances rectificative pour 2011, que :

« II. L’option visée au I est exercée au titre de l’exercice au cours duquel le déficit est constaté et dans les mêmes délais que ceux prévus pour le dépôt de la déclaration de résultats de cet exercice ».

Le report en arrière du déficit constaté au titre de l’exercice 2013 par la société Fiorim pouvait-il être demandé après la date limite fixée pour le dépôt de la déclaration de résultat de cet exercice ?

Dans sa décision « Fiorim » du 16 novembre 2022, le Conseil d’Etat l’a admis :

« 6. En troisième lieu, si la société Fiorim était recevable, eu égard au délai de réclamation ouvert par la notification d’un avis de mise en recouvrement le 16 décembre 2016, à demander le 28 décembre 2018 par voie de réclamation contentieuse portant sur l’exercice clos en 2012 le bénéfice du report en arrière sur le résultat de cet exercice, tel qu’il résultait des rectifications opérées par l’administration à la suite d’une vérification de comptabilité … d’un déficit de son exercice clos en 2013 … ».

Les juges du Palais Royal ont ainsi réitéré leur jurisprudence « Vérimédia » du 19 décembre 2007 (CE 19 décembre 2007 Vérimédia, req. n° 285588, publié au recueil) selon laquelle en cas de rectification du résultat d’un exercice conduisant à un bénéfice, la demande de report en arrière d’un déficit ultérieur sur ce bénéfice peut être effectuée jusqu’au 31 décembre de la 2ème suivant celle de la mise en recouvrement du complément d’impôt sur les sociétés résultant de la rectification opérée (application de l’article R. 196-1, c) du Livre des procédures fiscales (LPF)).

 

Sur le délai de rectification de l’erreur dans le calcul du déficit

L’article L. 190, alinéa 2, du LPF dispose que :

« Relèvent de la même juridiction les réclamations qui tendent à obtenir la réparation d’erreurs commises par l’administration dans la détermination d’un résultat déficitaire … même lorsque ces erreurs n’entraînent pas la mise en recouvrement d’une imposition supplémentaire ».

Il résulte de ces dispositions que seule une erreur commise par l’administration – et non par le contribuable – dans la détermination d’un résultat déficitaire peut faire l’objet d’une rectification par la voie de la réclamation contentieuse.

Aussi le Conseil d’Etat a-t-il jugé, dans sa décision « Fiorim » du 16 novembre 2022, qu’une erreur commise par le contribuable dans la détermination d’un résultat déficitaire ne peut être rectifiée que jusqu’à la date limite de dépôt de la déclaration de résultats en cause :

« 5. En deuxième lieu, si les dispositions précitées de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales permettent qu’un contribuable puisse demander, par voie de réclamation, la rectification d’une erreur commise par l’administration dans la détermination de son résultat déficitaire, ni ces dispositions, ni aucune autre, ne lui permettent de demander, postérieurement à la date limite fixée pour la déclaration de ses résultats, la rectification d’une erreur qu’il aurait lui-même commise dans le montant du déficit qu’il a déclaré ».

La Haute juridiction a tiré les conséquences de ce principe en jugeant tardive la réclamation contentieuse déposée en 2018 par la société Fiorim demandant la déduction de la provision de 700 000 € des résultats déjà déficitaires de l’exercice 2013 :

« La cour administrative d’appel n’a, par suite, pas commis d’erreur de droit en jugeant irrecevable la demande formée par la société requérante devant le tribunal administratif tendant à ce que soit modifié le montant du déficit qu’elle avait déclaré au de l’exercice clos en 2013, au motif que cette demande n’avait pas la nature d’une réclamation contentieuse au sens des dispositions de l’article L. 190 du livre des procédures fiscales ».

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