10 février 2024

Fraude fiscale : plafonnement du cumul des sanctions par le juge de l’impôt

Me Grégory D'Angela

Fraude fiscale : en cas de condamnation pénale définitive du contribuable, le juge de l’impôt doit vérifier s’il y a lieu d’appliquer la règle de plafonnement du cumul des sanctions pénales et fiscales dégagée par le conseil constitutionnel le 24 juin 2016 dans les affaires « Jérôme Cahuzac » et « Alec Wildenstein ».

Dans une décision très récente du 5 février 2024 (CE 5 février 2024, req. n° 472284, publié au recueil), le Conseil d’Etat a précisé les modalités d’application par le juge de l’impôt de cette règle de plafonnement du cumul des sanctions pénales (amendes) et fiscales (notamment les majorations).

Il ressort de cette importante jurisprudence que le juge de l’impôt a l’obligation de procéder au plafonnement lorsque :

  • d’une part, le contribuable justifie avoir fait l’objet d’une sanction pénale définitive prononcée pour les mêmes faitsque ceux donnant lieu à sanction fiscale
  • d’autre part, la sanction pénale est de même nature que la sanction fiscale

 

Faits à l’origine de la fraude fiscale

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision précitée du 5 février 2024, le contribuable avait été condamné pénalement pour deux chefs de fraude fiscale :

  • premièrement, pour ne pas avoir déposé la déclaration d’ensemble de ses revenus malgré une mise en demeure
  • deuxièmement, pour avoir, en tant qu’entreprise individuelle, minoré ses BIC et ses recettes taxables à la TVA

Pour l’ensemble de ces deux faits de fraude fiscale, le contribuable a été condamné à plusieurs peines :

  • une peine d’emprisonnement,
  • la privation de ses droits civiques
  • la confiscation d’un immeuble d’une valeur de 900 000 €

L’absence de dépôt de la déclaration d’ensemble des revenus malgré une mise en demeure a également entraîné une sanction fiscale, à savoir la majoration de 40 % de l’impôt sur le revenu.

C’est la sanction fiscale que le contribuable a contestée devant le juge de l’impôt en demandant l’application de la règle du plafonnement du cumul des sanctions pénales et fiscales.

Le Conseil d’Etat a cependant refusé d’appliquer cette règle aux motifs que la sanction fiscale (majoration de 40 %) et la sanction pénale (peine de confiscation) ne portent pas sur les mêmes faits et ne sont pas de même nature.

 

Fraude fiscale : plafonnement du cumul des sanctions pénales et fiscales

Selon la règle de plafonnement du cumul des sanctions pénales et fiscales dégagée par le Conseil constitutionnel le 24 juin 2016 dans les affaires « Jérôme Cahuzac » et « Alec Wildenstein », où les protagonistes ont été condamnés pénalement pour fraude fiscale, le montant global des sanctions pénales et fiscales prononcées pour les mêmes faits ne doit pas excéder le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues :

« 24. Si l’éventualité que deux procédures soient engagées peut conduire à un cumul de sanctions, le principe de proportionnalité implique qu’en tout état de cause le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. Sous cette réserve, l’application combinée des dispositions de l’article 1729 et des dispositions contestées de l’article 1741 du code général des impôts ne méconnaît pas le principe de proportionnalité des peines » (CC 24 juin 2016 Alec Wildenstein, n° 2016-545 QPC et CC 24 juin 2016 Jérôme Cahuzac, n° 2016-546 QPC).

Cette règle s’impose aussi bien au juge pénal qu’au juge de l’impôt.

En ce qui concerne le juge de l’impôt, le Conseil d’Etat a jugé qu’il lui appartient, lorsqu’il est saisi d’une contestation relative à des sanctions fiscales infligées à un contribuable ayant par ailleurs fait l’objet, à raison des mêmes faits, d’une condamnation pénale devenue définitive :

  • de s’assurer, le cas échéant d’office, que le montant cumulé des sanctions de même nature prononcées à l’encontre de ce contribuable à raison de ces deux procédures n’excède pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues
  • et, si tel est le cas, de prononcer en conséquence la réduction, dans la mesure nécessaire, ou la décharge des pénalités fiscales demeurant en litige devant lui.

Autrement dit, le juge de l’impôt a l’obligation de procéder au plafonnement lorsque :

  • d’une part, le contribuable justifie avoir fait l’objet d’une sanction pénale définitive prononcée pour les mêmes faits que ceux donnant lieu à sanction fiscale
  • d’autre part, la sanction pénale est de même nature que la sanction fiscale

 

Sanction pénale définitive prononcée pour les mêmes faits

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision précitée du 5 février 2024, le Conseil d’Etat a considéré qu’il n’y a pas lieu d’appliquer la règle du plafonnement au motif que la sanction fiscale (majoration de 40 %) et la sanction pénale (peine de confiscation) ne portent pas sur les mêmes faits.

Cette solution repose sur le fait que la sanction fiscale (majoration de 40 %) ne porte que sur les faits d’absence de dépôt de la déclaration d’ensemble des revenus alors que la sanction pénale (peine de confiscation) réprime, en outre, la minoration des BIC et la minoration des recettes soumises à TVA.

 

Sanctions pénales et fiscales de même nature

Dans l’affaire ayant donné lieu à la décision précitée du 5 février 2024, le Conseil d’Etat a jugé également qu’il n’y a pas lieu d’appliquer la règle du plafonnement au motif que la sanction fiscale (majoration de 40 %) et la sanction pénale (peine de confiscation) ne sont pas de même nature.

Cette solution n’allait pas de soi dans la mesure où la majoration de 40 %, comme la confiscation de l’immeuble saisi d’une valeur de 900 000 €, ont un coût financier pour le contribuable.

En fait, la Haute juridiction administrative a simplement tenu compte du fait que pour la Cour de cassation, « seule l’amende est considérée comme étant de même nature que les majorations fiscales, ce qui exclut d’autres peines telles que les mesures de confiscation» (bulletin d’information n° 915 du 1er février 2020, page 21).

Il est effectivement souhaitable que le juge pénal et le juge de l’impôt se mettent au diapason.

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