Une déclaration rectificative peut-elle être qualifiée de réclamation contentieuse préalable au sens des articles L. 190 et R.*190-1 du Livre des procédures fiscales (LPF) ?
La réponse à cette question présente un intérêt tout particulier en contentieux fiscal, lequel est régi par la règle de la réclamation préalable.
Il est rappelé qu’en vertu de cette règle, tout contribuable a l’obligation, avant de saisir le juge de l’impôt (juge administratif ou juge judiciaire), d’adresser une réclamation préalable à l’administration fiscale.
Dans sa décision « Fractalys » du 13 novembre 2024 (CE 13 novembre 2024 Fractalys, req. n° 473814, publié aux Tables), le Conseil d’Etat a jugé qu’une déclaration rectificative constitue bien une réclamation contentieuse préalable au sens des articles L. 190 et R.*190-1 du LPF :
« Une déclaration rectificative qui tend, par elle-même, à la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions ou au bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire, constitue une réclamation contentieuse préalable au sens et pour l’application des articles L. 190, R. 190-1, R. 197-3 et R. 200-2 du LPF lorsqu’elle a été déposée auprès de l’administration fiscale après l’expiration du délai de déclaration ».
Objet du contentieux fiscal de la société Fractalys
Basée dans le Var, la société Fractalys a déclaré, dans un premier temps, avoir réalisé un bénéfice au titre de l’exercice 2013. Elle a payé l’impôt sur les sociétés (IS) correspondant.
Après recalcul, la société Fractalys a constaté que son résultat de l’exercice 2013 était en réalité déficitaire. Elle a alors adressé à l’administration fiscale, en mars 2016, une déclaration de résultat rectificative faisant apparaître un déficit afin d’obtenir le remboursement de l’IS indûment payé.
L’administration fiscale a refusé le remboursement de l’IS au motif que la liasse fiscale rectificative ne constituait pas une réclamation contentieuse préalable dans la mesure où elle ne respectait pas les conditions de forme qu’une réclamation doit revêtir en application de l’article R.*197-3 du LPF.
Le tribunal administratif de Toulon, puis la cour administrative d’appel de Marseille, ont eux aussi successivement rejeté la demande de remboursement de l’IS présentée par la société Fractalys au motif qu’elle n’avait été précédée d’aucune réclamation contentieuse préalable.
La société Fractalys a alors formé un pourvoi devant le Conseil d’Etat, lequel lui a donné gain de cause.
Réclamation préalable : une spécificité du contentieux fiscal
L’obligation, avant de saisir le juge de l’impôt, d’adresser à l’administration fiscale une réclamation contentieuse préalable est une règle quasi centenaire issue de la loi du 27 décembre 1927 portant fixation du budget général de l’exercice 1928.
Aujourd’hui, cette règle est codifiée à l’article R.*190-1 du LPF :
« Le contribuable qui désire contester tout ou partie d’un impôt qui le concerne doit d’abord adresser une réclamation au service territorial, selon le cas, de la direction générale des finances publiques ou de la direction générale des douanes et droits indirects dont dépend le lieu de l’imposition ».
En l’absence de réclamation contentieuse préalable, la saisine du juge de l’impôt s’avère irrecevable.
Il importe donc de s’assurer que le document envoyé à l’administration fiscale réponde bien à la qualification de réclamation contentieuse.
Qualification de réclamation contentieuse préalable et déclaration rectificative
En vertu de l’article L. 190 du LPF, une réclamation contentieuse préalable a notamment pour objet d’obtenir « la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions » ou « le bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire ».
En application de ce texte, constitue une réclamation contentieuse préalable tout document écrit ayant pour objet de contester une imposition au motif qu’une erreur a été commise dans son assiette ou son calcul ou d’obtenir le bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire.
Or, tel est précisément l’objet d’une déclaration rectificative.
En effet, ainsi que l’a jugé le Conseil d’Etat dans sa décision « Fractalys », une déclaration rectificative « tend, par elle-même, à la réparation d’erreurs commises dans l’assiette ou le calcul des impositions ou au bénéfice d’un droit résultant d’une disposition législative ou réglementaire ».
La Haute juridiction administrative en déduit logiquement qu’une déclaration rectificative répond nécessairement à la qualification de réclamation contentieuse préalable lorsqu’elle a été déposée auprès de l’administration fiscale après l’expiration du délai de déclaration.
Il est à noter que le fait qu’une déclaration rectificative ne respecte pas les conditions de forme qu’une réclamation doit revêtir en application de l’article R.*197-3 du LPF n’est pas de nature à lui retirer la qualification de réclamation. Toutefois, pour qu’elle soit recevable, les vices de forme dont elle est entachée devront être régularisés devant le tribunal administratif, comme le prévoit l’article R.*200-2 alinéa 3 du LPF.
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